La mer d'Arabie par la forêt des lions

Publié le par Sur la route de soi

   Réveillés par le soleil nous déguerpissons avant d'avoir laissé la moindre chance au voisinage de venir nous observer. Nous sommes au beau milieu de plaines cultivées : cotton, pois-chiches, un peu de maïs, pas mal de canne à sucre, des vergers de ce que nous avons surnommé, lors de la traversée du Pakistan, "les arbres à cannabis", d'après la forme de leurs feuilles, mais dont nous ignorons encore les fruits qu'ils produisent.
    Rajkot, Gondal, Jetpur ... En approchant de Junagagh nous découvrons une montagne surgie de rien, une seule au milieu de la plaine, recouverte d'une forêt sans feuilles.
A son pied la ville s'étend. Sur une centaine de mètres des vendeurs de pastèques ont installé leurs stands qui croûlent sous des pastèques d'un vert sombre, de toutes tailles. Nous en achetons une : on a faim, et soif. IMGP7224Quelle n'est pas notre surprise, lorsque, un peu plus loin, on découvre une enfilade de hautes portes blanches ornées de lions sculptés paisiblement allongés sur leurs hauteurs, qui permettent d'accéder, par delà des fortifications plus ou moins disparues, au coeur actif du patelin. Car Junagah n'est qu'un tout petit carré sur notre carte, le Routard n'en fait aucune mention, et voilà que défilent, de part et d'autres de la rue, tout un tas de petites surprises d'architecture, dont un palais-pièce-montée-des-Mille-et-Une-Nuits, faisant surgir un peu du merveilleux passé au milieu de la poussière et des klaxons. Nous nous arrêtons acheter du riz pour le déjeuner ; le soleil a tôt fait de nous cuire. On ruisselle.

    L'idée est d'aller poser notre table de pique-nique aux abords de la réserve naturelle où vivent les derniers lions d'Asie : Sasan Gir. Nous avons étudié les tarifs pour visiter la réserve et espérer en croiser les royaux habitants et avons vite été refroidis par le prix, très disuasif des permis d'entrée. Il est donc décidé depuis longtemps que nous n'irons pas faire un safari-jeep-colonial ... mais je n'en demeure pas moins aimantée par cette forêt aux lions ... la fascination née des albums pour enfants ... Nous avons ainsi improvisé un itinéraire qui nous permet de flirter avec l'habitat du roi des animaux.
    Aucune indication, nous nous dirigeons de croisement en croisement en demandant autour de nous "Visavadar ?", "Sasan Gir ?". C'est ainsi que nous nous retrouvons dans le labyrinthe d'un gros village mis complètement sans-dessus-dessous par des travaux de voirie. On espère pour eux que ce sera fini d'ici la mousson. On en ressort par on ne sait quelle route, défoncée, bordée d'une terre aride et brûlante ponctuée d'oasis, qui débouche, après bien des kilomètres, sur ... une piste ...
    IMGP7228Pas le choix : on poursuit sur la piste ... jusqu'à arriver à une guérite, derrière des grilles : l'entrée de la réserve ... oups !  A trop vouloir s'en approcher, nous voilà face à un cul de sac ... Un 4x4 est là, son chauffeur en train de discuter avec l'agent de la guérite. On les observe : l'agent lui fait remplir un papier, qu'il signe. On explique (avec un mot et un geste) qu'on veut se rendre à Talala. Le type du 4x4 nous fait signe qu'on peut le suivre à travers la brousse après avoir rempli le document de la guérite. On décline donc l'identité de la voiture et nous nous lançons à la poursuite du 4x4.
    A toutes berzingues sur une vraie piste pour 4x4, avec bosse, creux, petites montagnes russes de terrain de cross et tout et tout (plutôt meilleure que la route cela dit). On a l'impression de voler au dessus de la terre, dans un grand nuage de poussière. Nous sommes tout heureux d'avoir obtenu, sans l'avoir chercher, de traverser la réserve gratuitement, et d'avoir quelqu'un pour nous guider. Nous sommes chez les lions, j'en suis toute excitée ... mais autant vous dire que ce ne sont pas les conditions idéales d'approche pour pouvoir espérer en apercevoir un seul. Je me brûle les yeux à scruter les sous-bois. C'est l'hiver : les arbres ont perdu toutes leurs feuilles, qui forment un épais tapis. Le paysage est marron-gris, sec, poussiéreux, sous un ciel immaculément bleu. C'est là que nous apercevons de grands cerfs tâchetés et leurs biches et puis des singes. Pas sûr qu'un lion ait pu nous rendre plus heureux que nous ne l'étions déjà. De temps à autre un arbre couvert de ces superbes fleurs orange-vif (presque rouge) donne un peu de couleur au tableau. 14 km plus loin nous émergeons, par une autre guérite, sur la route : quelle aventure !
    L'après-midi est bien avancé : nous déjeunons au pied d'un énorme arbre à racines aériennes en compagnie de petits écureuils et de nos inévitables visiteurs. Nous pensons faire la sieste après cette folle course mais l'un d'entre eux nous convaint de le suivre pour "accéder au parc et voir des lions à coup sûr pour 100 roupies" ... Nous n'irons pas jusqu'à l'entrée de ce parc que l'on comprendra être, en en approchant, un simple grand zoo, type Thoiry. Expérience bien fade après notre expédition en brousse.
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      Petite vache à petites cornes dédicacée pour le p'tit Nicolas.
      Et petite moto-charette haute sur pattes du Gujarat.


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    Nous roulons vers le Sud, la mer n'est plus qu'à une quarantaine de kilomètres, depuis le temps qu'elle nous appelle ... Peu à peu la végétation se transforme et le sous-bois aride fait place à des bosquets de hauts cocotiers. Des cocotiers partout, et d'autres sortes de palmiers, toutes sortes de palmiers ... On n'aurait jamais imaginé qu'il pouvait y en avoir de si différents. Mais, comme partout ailleurs depuis notre entrée en Inde, ce sont les femmes que nous voyons porter les lourdes jarres d'eau, en équilibre sur le sommet de leur crâne, que nous voyons frotter le linge à la rivière, ramasser le petit bois. Mais toujours pas la mer.
    Une forte odeur nous prend au nez. Une odeur de mer, de poisson en décompositon, mais exacerbée. Nous saurons plus tard que c'est le poisson qui sèche au soleil. Nous arrivons à Somnath. Somnath c'est un temple, un très gros temple hindou, rose face à la mer. ce sont donc des cars ou des rickshaws plein à craquer d'Indiens en pélerinage touristique, beaucoup de vaches, de bouses, et de poubelles. Nous fonçons sur la plage, dont l'accès est équipé au sol d'une de ces grilles aux barreaux suffisamment espacés pour empêcher les animaux à sabots de le franchir. On se demande si c'est pour protéger la plage de l'errance ou des déjections animales, ou bien pour préserver les vaches sacrées de la noyade. On ne saura pas et de toute manière le système est inefficace, le muret étant effondré un peu plus loin, les bovidés passent ...
    ... et se retrouvent sur la plage avec les dromadaires. Car toute une équipée de chameaux (sellés d'un palanquin de toutes les couleurs) et leurs chameliers étaient là à attendre le badaud. Les familles indiennes en visite se prêtent au jeu : pour 5 roupies, 2 minutes de promène-couillons et le loisir de prendre une édifiante photo-souvenir sur fond de temple et de soleil couchant ...
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   Nous prenons nos jambes à notre cou et filons loin de cette foule ! Enfin l'eau !!! La température parfaite. Nous nous baignons dans la mer d'Arabie ... Enfin Clément, car, en ce qui me concerne, je ne sais trop quelle tenue adopter. Personne d'autre ne se baigne et une femme en petite tenue, qui plus est à proximité du temple, cela pourrait choquer. Je prends mon mal en patience. L'eau est très bonne, entre 25 et 30° peut-être. Une fois l'euphorie des retrouvailles aquatiques passées il faut se rendre à l'évidence : cette plage n'a aucun charme ! Gros sable gris, travaux, pas de végétation en vue et déchets des pélerins.

    On reprend la route. Par de véritables tunnels formés par les cocoteraies nous arrivons sur l'île de Diu à la nuit tombée.

Publié dans Inde-1

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