De Yazd à Tabriz en passant par Isfahan
De Yazd à Tabriz en passant par Isfahan ... dans les traces de nos roues ...
Retrouvailles à Isfahan
Samedi 2 octobre. De Yazd nous prenons la route pour Isfahan. 4 voies, paysages désertiques à perte de vue, brume de chaleur et de poussière, côtes à n'en plus finir ... nous revoilà à flirter avec les 2000 mètres d'altitude. Le long de la route, de nouveau de vastes vergers de pistachiers.
Pistaches et pistachiers
A Isfahan, visite surprise à la famille qui nous avait réservé un accueil si chaleureux le soir du 25 décembre et les jours qui ont suivi, période qui correspondait pour eux à la fête d'Ashura (LA fête des musulmans chiites célébrant ... la mort en martyr de l'Imam Hussein – promis je vous explique ça bientôt dans un autre article). Ils n'ont pas perdu leur impressionnant sens de l'acceuil (dans la minute on se retrouve assis devant des assiettes de pastèque et des coupes de cristaux de grenade, le thé accompagné de sucre caramélisé suivant de peu), mais on a bien senti que le coeur n'y était pas ... on sentait une certaine incompréhension dans leurs regards : “de quelle boîte sortons-nous comme cela tout d'un coup, tels de petits diablotins maléfiques ?” Toujours aucun mot d'anglais de leur côté, pas plus de 10 mots de persan du nôtre ... On dépêche les voisines au secours de la conversation, et la glace fond ... Les liens se font, nous sommes sur le chemin du retour, voulions les remercier de leur acceuil en leur offrant un modeste album photo des moments passés ensemble, leur témoigner que nous ne les avions pas oublier. L'une des voisines est une empotée qui ne comprend rien en faisant semblant de tout comprendre, mais l'autre est vraiment charmante, curieuse, dynamique, un vrai plaisir ... Nous déclinons fermement leurs diverses invitations à dîner, dormir, partir en pique-nique le lendemain etc ... et les soulageons de notre présence importune après de chaleureux au revoir appuyés d'invitation chez nous en France ... mais, soyons réalistes, dans cette famille les voyages se limiteront encore longtemps aux pélerinages religieux ... Sur la cheminée en toc trône en grand format la photo de leur récente expédition dans la ville sainte de Mashad (Nord-Est iranien), mosquées étincelantes d'ampoules de couleur, les gendres portant fièrement dans les bras les derniers-nés de la famille.
Chez Hadj Ali, la maman (Mehri), moi, les 3 dernières filles de la famille, et la gentille voisine.
Le même soir, dîner dans un magnifique restaurant traditionnel d'Isfahan à la cuisine encore plus pétillante que le décor ...
Mais ensuite, où dormir ? Nous reprenons le chemin du parc où nous avions prévu de dormir en décembre dernier, celui-là même d'où Hadj Ali nous avait tiré avec force hospitalité jusque chez lui. Mais on ne sait quelle mouche a piquée les Iraniens mais, à 23h passés il y a encore foule sur le parking et dans les allées ! Nous trouvons refuge, épuisés, sur une sorte de terrain vague entre 2 murs aveugles d'immeubles résidentiels ... Ca ne peut pas être le paradis toutes les nuits !!!
D'Isfahan à Tabriz
Après Isfahan le paysage se module peu à peu. Nous avons pris de l'atitude, tournant le dos aux bas déserts pour couper droit par les rondeurs d'arides plateaux. La voiture avale les kilomètres sans broncher, buvant goulument le très peu cher “benzin” iranien ... jamais plus de 8 dollars le plein ! Par contre les pompes à essence se font très rares (jamais plus que le strict nécessaire !) et les files d'attente parfois très longues. Nous voyageons avec 16 litres d'essence en bidons pour gagner du temps et parer aux mésaventures (elles sont parfois bien cachées les stations !).
Nous roulons plein Nord. Nous avons renoncé à aller barouder du
côté de Téhéran, de la Caspienne et des montagnes Elbourz et avons mis le cap sur Tabriz, réempruntant le même chemin qu'à l'aller, en décembre dernier. Le dimanche soir nous avons dépassé Qazvin et trouvons un parfait petit coin de bivouac à l'approche de Zanjan. L'eau courante qui jaillit à flots d'une cabane abritant la source, des vergers de pommes et des champs de haricots à la ronde. De petits vieux montés sur leurs ânes qui rentrent leurs troupeaux de chèvres à longs poils et longues oreilles et de moutons à têtes noires ...
La campagne le long de la nationale est ravissante, si arborée après les immenses étendues désertiques que nous avons traversées ces deux dernières semaines. Haies de saules et de peupliers, vergers de noyers, de pommiers et de poiriers, vignes, champs de melons et de courges, d'oignons et de patates, hectares de céréales, parcelles de maïs, potagers alléchants ...
Le lendemain matin, Zanjan. Zanjan où nous avions fait étape un soir à l'aller dans un mauvais hôtel. Zanjan où nous avions vécu l'épique aventure du change d'argent. Or nous avons de nouveau besoin d'argent, nos millions de Rials se consumant comme des brins de paille (1 dollar = 10 480 Rials !!!). Il est 10h30 et nous reprenons le chemin de la Melli Bank (Banque Nationale), la seule habilitée à changer nos dollars ou nos euros semble-t-il (en Iran aucune carte bancaire étrangère, fusse-t-elle Visa Premier ou Gold Mastercard n'est acceptée, sanctions bancaires internationales sur le pays oblige ; idem pour Western Union ou les Travellers chèques). Mais ciel, que se passe-t-il ? Comme 10 mois auparavant, au cours de la fête d'Ashura, la rue se couvre de noir. Une manifestation se prépare ... un défilé religieux ... pour qui ? Pour quoi ? Beaucoup de boutiques ont descendu leurs rideaux et pas une banque n'est ouverte ... La poisse ! Dépités, nous doublons le troupeau de fervents croyants ... Clément, désespéré, a l'idée d'aller frapper à la porte d'un hôtel où le manager parle non seulement 2 mots d'anglais ( on a dit 2, pas 3 !) mais accepte de changer nos dollars (en se faisant son bénéf) et nous offre le thé ... le temps de voir le sombre défilé passer au dehors, les hommes devant, les femmes derrière, se frappant la poitrine de leur main droite ... Un deuil ... pour l'anniversaire de la mort d'un Imam (pas Hussein, un autre, “le sixième”) il y a des siècles de cela ...
A Zanjan, ragaillardis par nos poignées de milliers de Rials, nous trouvons un excellent cybercafé et un excellent petit resto de grillades. Tabriz n'est plus très loin ...
Nous dédaignons l'autoroute et rallongeons un peu notre chemin en suivant la nationale. Vieille route des caravanes du passé. Ponts construits par d'antiques empires. Le maraîchage de la plaine laisse place à la steppe des hauteurs, ici et là utilisée pour les cultures céréalières. Le paysage ondule et rares sont ceux qui déchaument à la charrue, la pratique est plutôt au brûli, la paille qui brûle, de longues colonnes de fumée qui montent dans un ciel gris et bas.
Tabriz, sport et bazar
Tabriz, dans le soir. Souvenir de nos premiers pas en Iran, nos débuts au pays du voile, des parcs et d'une hospitalité désemparante de chaleur et de désintéressement.
Nous voulons retourner arpenter les allées de l'authentique bazar avant de quitter l'Iran ... Nous nous y pointons le soir venant, l'heure où règne la plus grande activité habituellement. Mais, aurions-nous mal calculé ? Mal compris ? Si toutes les boutiques dans les rues sont ouvertes, les allées de l'immense bazar couvert sont vides, désertes, les rideaux de fer tiré, nos pas qui résonnent dans les couloirs vides ... Jour férié en l'honneur du Sixième Imam bien sûr, il fallait s'y attendre .... “puisque c'est ainsi nous reviendrons mardi !”
Soirée à El Goli Park. La foule par les allées jusque tard dans la nuit, le skate-parc envahi, les manèges de la fête foraine assaillis, et tout le monde qui grignote épis de maïs et autres sancks de jours de fête. Nous trouvons malgré tout une petite allée mal éclairée et en cul de sac où s'installer à l'écart du passage. La bise est glaciale, le dîner, mijoté à partir des produits frais des maraîchers de la région, divin ... Nous nous endormons bercé par les pétarades du terrain de paintball voisin ...
Allée du parc El Goli au petit matin
Au réveil l'air est frais mais le coeur vite réchauffé par les oeufs au plat de mon tendre cuistot, l'amabilité d'une passante, le soleil qui inonde le parc. Petite promenade dans le matin. Le parc comme la veille au soir est inondé de monde. Qui à son footing, qui à ses étirements, qui émergeant d'une tente plantée pour l'occasion sur la pelouse, qui marchant à grandes enjambées papotant avec ses commères ou ses compères. La tonalité est à “un esprit sain dans un corps sain”. Le sport c'est la santé et on soupçonne fortement le ministère de la santé iranien d'être à l'origine de l'implantation de ces milliers de structures de sport-ludique partout dans les villes iraniennes dans les parcs et dans les contre-allées des avenues. Il y en a pour tous les goûts, et toujours en couleur : des poids à soulever avec les pieds, les bras, le dos, des grands volants à tourner pour s'étirer, des pédaliers en tout genre, des apareillages à courrir sur place, à faire des abdos, des tractions etc ... Bref, c'est épatant de voir tous ces bonhommes en costume tailler le bout de gras à cheval sur leur engin de muscu aux couleurs Playmobil, et les nanas cagoulées de noir remuer discrètement bras et derrière en discutant. L'Iran c'est aussi ça !
Une heure plus tard nous voilà égarés dans ce gigantesque bazar. Comme le dit si bien notre livre-guide c'est à peine croyable que l'on puisse passer à côté d'un espace aussi vaste que celui que recouvre ce bazar couvert (3 km sur 2, le plus grand du monde et un des plus vieux du Moyen Orient selon l'Unesco) sans le voir, tant il disparaît derrière les bâtiments qui l'entoure ... Il est là, au milieu, et pourtant vous pouvez tourner en rond un moment avant de le trouver ... et vous mettre à tourner dedans ! On se laisse gagner par l'ambiance, y faisons de petites emplettes ... bientôt nous ne serons plus en Iran, or nous ne pouvons pas emporter toutes les merveilles de l'Iran avec nous ! En revanche, nous sommes bienheureux de ne pas avoir à un investir dans ce qui semble être une spécialité de la ville : de laidissimes tapis représentants paysages ou portraits en gros fil de laine encadrés de bois massifs avec force dorures ... Absolument hideux et pourtant des centaines de boutiques en proposent et les touristes iraniens ont bien l'air d'en raffoler !
Midi est là et, avec le bazar, nous quittons Tabriz ... direction la frontière turque de Sero, via Kandovan et le lac d'Orumiyeh.