L'Himalaya à moto 4 : de Keylong à Leh, 4 cols à passer

 

       Ci-dessous le plan de cet itinéraire qui coupe à travers les hauteurs himalayennes, passant par 4 hauts cols, culminant à 5359 mètres. Pour nous, 3 jours de route.

 

Itineraire_moto_Keylong-Ladakh.jpg

 

 

Journée 12

(de Keylong à Sarchu)

 

       Départ de Keylong ... sous le soleil !

 

       Nous repartons après une journée de “repos” à Keylong. Repos ? Certes il y a eu la grasse-matinée, mais après j'ai passé la journée après le linge et Clément et les gars chez le soudeur et le mécano. Voyant que le soudeur faisait vraiment du bon boulot sur ce qu'il restait du porte-bagage d'Aurélien et Jérémie, il en a profité pour faire renforcer le nôtre ... qui commençait à se fissurer ! Chez le mécano il fait vérifier notre roue arrière qui se dégonfle tout doucement depuis quelques jours (elle est effectivement crevée, il répare le pneu) ainsi que nos freins arrière déraisonnablement couinant dans les descentes (ils étaient morts, eux aussi il a fallu les changer). Nos compagnons de route font faire quelques menus travaux sur la leur : problème électrique, pneu avant crevé etc ...

        Pierre et Linda, eux, nous ont quitté le matin, reprenant, au delà de Manali, le chemin du retour vers la France. Nous apprendrons quelques jours plus tard par mail, les détails d'une nouvelle journée de galère pour eux : ils n'étaient pas fâchés de se débarasser de leur moto -presqu'en miettes, en tout cas, plus bonne à rien - en arrivant à Manali !!


Inde moto J12 Keylong-Sarchu (13)

               Le ventre plein d'un délicieux petit-déjeuner (parantha, omelette au fromage ...) nous quittons Keylong de bon matin (non sans avoir dû secouer nos copains hors du lit : les réveils matinaux, c'est vraiment pas leur fort !). Grand soleil. Tout autour de nous le vert de la vallée. Partout au-dessus de nous des sommets blancs pointent le bout de leur nez, dominant de massif glaciers. Tout le long de la route des travailleurs oeuvrant pour des “lendemains meilleurs” : les nôtres ou les leurs ? Du monde aux champs en terrasse aussi. Dans le lit de la vallée, les bras de rivière qui serpentent, formant d'artistiques entrelacs. Un checkpost que nous passons sans le voir ... si ce n'avait été les Belges qui nous font de grands signes : on ne s'arrête pas ! On dépasse et nous faisons dépasser par quelques motos, dont des Indiens qui voyagent très léger (c'est sûr que comparé à nous ...) avec des motos 125 cc. Ils sont fin fous ces Indiens ! Parmi eux, sur une petite moto bleue, derrière un homme, une Indienne qui décoche de grands sourires à nos compagnons de route. Aurélien se prend au jeu, enclenche une vitesse et se lance à sa poursuite ; on file ... Inde moto J12 Keylong-Sarchu (14)tant et si bien qu'on les double, traversant à cette vitesse, une rivière dans de grandes gerbes d'eau ! On a perdu l'égérie de vue et faisons une pause en l'attendant. Elle ne vient pas ... On se dit qu'ils se sont peut-être vautrés en beauté dans le passage de rivière ! Aurélien se résigne et on repart ! Jusque là, la route, si l'on excepte quelques passage de rivières et quelques portions de graviers, est vraiment bonne, parfois même large et très bien asphaltée.

 


 

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               Le 1er col : Baralacha La

 
            

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       Nous virons à droite, abandonnant la verte vallée derrière nous et commençons à monter, monter ... Nous prenons chaque bosse qui nous barre la vue pour le col, mais le col est toujours plus loin. Des déneigeuses sur le bord de la route : ce doit être à partir de là que l'itinéraire, en hiver, est fermé ... 8 mois durant. Cette route qui relie Keylong à Leh n'est en effet accessible que de la mi-juin à la mi-septembre ... Nous voilà de retour dans un monde de roche, de caillasse et de névés. La moto de nos accolytes ne veut plus avancer.


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      Nous nous arrêtons pour prendre le thé à l'une de ces tentes-parachute qui font office de buvette, cantine et dortoir. Celle-ci est tenue par des Népalais, comme ce sera souvent le cas tout le long de cet axe. Nous attendons que les motos refroidissent : qui sait ce qu'il va falloir monter pour atteindre le col ?

 

 

 


 

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        Derrière nous, les nuages à nos trousses ...


      Après un nouveau départ en beauté, leur moto rechute (et dire qu'elle a vu le mécano la veille !). Nous décidons de continuer à leur rythme, tout doucement (5 km/h peut-être). Et puis c'est une nouvelle rivière à traverser. Il est déjà tard, les neiges ont bien fondu, et les eaux sont profondes et agitées de remous. Je laisse Clément s'y lancer seul. Les 2 motos passent sans problème, sans même se mouiller les pattes ! C'est là que je me rends compte qu'il n'y a pas de passage au sec possible pour moi. Je me déchausse, et me lance dans la traversée (8 mètres peut-être). L'eau glacée, mord ma peau. J'en ai au-dessus des genoux. Mes pieds engourdis, le tapis de galets qui roulent sous mes pas, le courant : j'ai peur de me casser la gueule avec tout notre précieux matériel (appareil photo, caméra, papiers, argent ...). Ouf, me voilà de l'autre côté. Le temps de me rechausser, voilà une équipe de 4 motards israëliens qui se lancent dans la traversée ... 2 d'entre eux, tour à tour, se retrouvent coincés avec leur engins au milieu des eaux, sans avoir la force de se décoincer seuls. Cela n'a fait ni une ni deux, les gars se sont lancé à leur aide ... ont décoincé les motos ... et sont ressortis de là frigorifiés et trempés jusqu'aux cuisses (pour une fois qu'ils avaient les pieds secs ...) !!! Ils se font promettre une bière en récompense, mais bon, jusqu'à ce jour, la bière, on l'attend toujours !

 

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Jérémie


             On monte, on monte ... Là ça sent la charogne : d'immenses vautours tournent autour de nous, nous rasant presque de l'aile, vol sublime ... Un peu plus loin la route est bloquée. Nous croyons tout d'abord à un éboulis, mais non, se sont les travaux d'élargissement de la chaussée qui progressent peu à peu (à raison de 4 mois par an ...). Nous attendons patiemment que les pelleteuses, après ½ heure de travail, déblayent le passage.


Inde moto J12 Keylong-Sarchu (34)

 

 

       On monte, on monte, nous rapprochant de la neige ... et puis d'un coup c'est l'émerveillement : un lac (le Suraj Tal) étincellant dans son écrin minéral ... Nous ne nous lassons pas du spectacle. Au loin, cette fois-ci c'est sûr, c'est le col !


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       13h30 : le Baralacha La, 4890 ètres. Nous ne sommes peut-être pas sur la cheminée du monde, mais nous sommes pour sûr sur son toit. Vers l'Est, à perte de vue, un plateau d'une blancheur polaire, relevé de petits pics, comme une chair de poule sur cette chair de glace.

 

 

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   Et de un !

 

      Quand le câble d'embrayage s'y met ...

 

      

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       Nous virons vers le Nord, la route est détrempée, on patauge. Le paysage est de nouveau complètement différent : encore un peu de neige, des ocres, des bruns ... Nous faisons étape sous une tente parachute pour le déjeuner. Notre hôtesse, népalaise elle aussi, n'aime visiblement pas son métier. Nous lui arrachons un sourire le temps d'une photo. Le visage de son frère, qui tient boutique à l'autre bout du campement, est brûlé par le soleil. Les éléments ne pardonnent pas : nous nous tartinons de crème solaire !

 

    

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Si c'est pas le bonheur ça !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Buvons un coup ...

 

Inde moto J12 Keylong-Sarchu (58)

 

 

        Nous reprenons donc la route à travers des paysages toujours renouvelés. Les couleurs, les formes, les matières, jamais pareilles, sans cesse inédites ... C'est à peine croyable qu'une telle diversité puisse exister et se déployer ainsi sous nos yeux.

 

 

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       Il ne nous faut pas attendre longtemps pour qu'une nouvelle panne surgisse. Nous croyions Jérémie et Aurélien juste derrière nous, mais non, ils n'ont pas pu repartir d'une pause contemplation-photo : le câble d'embrayage a cassé. Heureusement pour eux notre Mac Giver de Clément a toujours un câble d'embrayage neuf dans sa poche ! Et c'est parti, tout le monde met les mains dans le camboui ! Au grand damn de notre copain Aurélien, qui, par principe, aurait préféré fumer un petit pet' avant ! Clément dirige les manoeuvres ; on y va à tâtons ... Il apparaît que nous devons démonter le carter (non, pour les incultes, ce n'est pas seulement le nom du petit interne d'Urgences !) de la boîte de vitesse, soit dit en passant pleine d'eau ! Tout est un peu rouillé là dedans. Bon au bout d'une longue heure de tarouillage ils parviennent à remettre à peu près tout en place, mais Clément n'est pas bien sûr que ça marche car, comme il dit, il a remis les pièces un peu au hazard, et n'a pas fait de réglages de précision. Les gars l'essayent : elle marche, et même mieux qu'avant ! Si c'est pas du bon boulot ça !

 

       Etape à Sarchu, village de ... toile !

 

        Nous évoluons maintenant le long d'un vaste plateau piqué d'une herbe drue qui pousse entre les pierres. En contre-bas, dans un canyon creusé bien droit dans le sable, une rivière. De part et d'autre des barrières de montagnes.


Inde moto J12 Keylong-Sarchu (68)

 

 

       De plus en plus de campements “deluxe” : l'hôtel sous la tente, étape nocturne des bus touristiques reliant Leh à Manali. Nous poussons jusqu'à Sarchu (altitude : 4290 mètres), croyant naïvement y trouver un village ... nous n'y trouvons guère qu'un campement de toile. Trop fatigués pour monter la tente nous partageons cette nuit-là tous les 4 une tente parachute sous laquelle sont installés des lits de camp. Pour le dîner nous nous laissons tenter sur le menu par des “pâtes à la sauce tomate”. Méfiante, je me fais préciser de quelle sauce il s'agit : pas de ketchup au moins ? Il me rassure en me montrant une boîte de conserve de tomates, en me parlant d'origan ... Nous salivons d'avance. Nous n'avons pas croisé une épicerie ni un étal de fruits et légumes depuis que nous avons quitté Keylong. Viennent les pâtes ... Déjà, l'aspect est peu ragoûtant : les spaguettis flottent dans une espèce de soupe clairette vaguement rouge. Je me force à manger, et, bien que l'estomac dans les talons, nous ne pouvons finir nos assiettés. Seul Clément, avisé, se délecte des omelettes qu'il a commandé et recommandé ! Je ne peux pas laisser le patron dans l'ignorance : son plat est abject ! N'importe quel occidental devant manger ça doit être révulsé. Je lui dis c'est pas possible, c'est du ketchup rallongé à l'eau. Tout étonné il m'explique que non, et me donne la recette qu'il a suivi : dans du beurre il a fait revenir de l'ail, puis a ajouté de la farine, pour épaissir, puis de l'eau, pour rallonger, enfin la boîte de tomates, et puis de bonnes cuillères de sucre, pour faire passer le goût de la farine, et a enfin saupoudré timidement le tout d'origan, et le tour était joué. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, et bon quand on peut faire dégueulasse ! Je le supplie de changer de recette ...

 

 

Journée 13

(de Sarchu au Tso Kar)

 

        Le 2ème col : le Nakee La

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (3)

 

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (4)

 

 

 

        Le lendemain matin, à l'aube, nous nous tirons du lit. 251 km pour atteindre Leh. Aujourd'hui nous mettons le cap sur le lac Tso Kar, vanté dans le guide Driving Holidays in India, un peu à l'écart de la route, mais qui constitue une bonne étape à mi-chemin entre Sarchu et Leh. L'air est vif, l'immensité des paysages nous inspirent un sentiment de liberté. Et avec ça la route plane, une belle asphalte, et de nouvelles merveilles pour nos yeux à chaque virage. Une demi-heure plus tard nous commençons l'ascension des fameux 21 lacets (appelés Gata Loops) qui nous séparent du 1er col de la journée. Les pentes abruptes que redoutait Clément ne sont pas au rendez-vous, ce sont plutôt de larges courbes légèrement inclinées, ce qui n'empêche pas la moto de nos compagnons de se traîner un peu. Une équipe de cyclistes de l'armée peine tout de même à gravir cette interminable côte. Un camion est là pour les ramasser à la petite cuillère, au fur et à mesure. Nous dépassons aussi des cyclistes occidentaux qui eux, ne se laissent pas démonter ! Nous les envions un peu d'avoir ce courage ...

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (5)

  

 

Inde moto 1 Manali-Leh21

  Nous croyons être arrivés au col ...


        Mais il se trouve en fait un peu plus loin :

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (18)

 


 

 

 

 

 

 

 

 

NakeeLa, 15547 pieds,

4738 mètres

Et de deux !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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      Il est près de 10h lorsque nous nous arrêtons prendre notre petit-déjeuner à la première tente-parachute que nous croisons : parantha et ragoût de lentilles, fameux. Au milieu de ce désert c'est le repère des chauffeurs de camions profitant d'un peu de répit avant de relancer leur poids lourds dans l'ascension des cols.

 

 


 

        Le 3ème col : le Lachulung La

 

        Car nous enchaînons directement sur un deuxième col, le Lachulung La (16616 pieds / 5058 mètres). Les drapeaux de prière flottent au vent, des étendues désertiques se déploient à perte de vue autour de nous.

 

Inde moto 1 Manali-Leh22

  Et de trois !

 

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Vue depuis le col


       Dans la redescente, les paysages ne sont plus que ravissement, cascades, verticalité des parois, eaux turquoises, dunes et cheminées de sable ... Pour sûr, on ne s'ennuie pas !

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Le long de la rivière Sumkhel Lungpa

 

 

       Au delà de Pang, les plaines de Morey

 

         Nous voilà arrivés à Pang, village de tentes jouxtant un semblant de caserne militaire ; le lieu est bien terne après les vallées que nous venons de sillonner. Les dizaines de tentes-parachutes déployées là dans un fouilli de jeeps, de camions et de motos, n'ont rien d'accueillantes mais nous sommes bien contents d'y trouver de quoi nous sustenter. Ces points de ravitaillement sont temporaires, ne s'installant qu'après la fonte des neiges pour l'été, et rien n'est fait pour traiter les déchets. Ils brûlent ce qu'ils peuvent et le reste est balancé derrière, plus ou moins emporté par les vents. En pleine nature, c'est tellement triste à voir, cette détérioration d'un environnement si vierge.

Nous passons un checkpost, gravissons une colline, et nous retrouvons face à un improbable mais fascinant plateau d'un vert pastel ... On écarquille les yeux ... Waouh ! Les plaines de Morey, planant juste sous le ciel, à plus de 4000 mètres d'altitude !

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (58)

 

 

 

        A Pang, un motard nous a prévenu, la route après est TRES mauvaise ! Il n'y a qu'à voir l'état dans lequel lui et sa moto se trouvent, recouverts d'une épaisse couche de poussière sableuse. Il nous a dit que peu après la route disparaîtrait dans les sables et que nous ferions face à une myriades de pistes chacune tentant sa chance à travers l'étendue sableuse sur une bonne quinzaine de kilomètres. Son conseil : suivre les camions, ils voient loin et connaissent le terrain. Mais si on les suit de trop près, on se bouffe toute la poussière ! Ca promet ! Enfin, nous voilà avertis et psychologiquement préparés au pire.

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (67)

        Et effectivement la route de bonne asphalte s'est rapidement transformée en chantier impraticable : de part et d'autre, de vagues traces dans le sable. Nous nous lançons dans ce qui a tout des étapes sahariennes d'un Paris-Dakar. Nos roues passent par moment dans quelques 30 cm d'un sable hyper fin dans lequel il ne faut surtout pas s'arrêter sous peine de ne pas pouvoir repartir. Il faut donc rester en première et mettre les gaz à fond en permanence, tout ça en gardant tant bien que mal notre équilibre mis en cause par les profondes ornières de poussière. C'est pire que de l'aventure ! Notre concentration est poussée à l'extrème, nous devons être tout entier souples et dynamiques pour faire corps avec la moto. Toute l'équipe sort de cette épreuve sans encombre, mais épuisée et empoussiérée. Clément me félicite de m'être laissée aller comme il fallait, sans cela dit-il, on aurait chuté. Je suis pas peu fière !!!

 

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       Nous revoilà sur l'asphalte, victorieux des pièges du désert. Peu après nous traversons un immense troupeau de yaks, sans réussir à distinguer les nomades auxquels ils appartiennent sûrement. Au loin, nous apercevons ce que nous pensons être les fameux petits chevaux sauvages du Ladakh. Marron clair ils ont, de loin, une allure d'antilope ou de girafe. Nous roulons, roulons, et toujours pas de Tso Kar ...

 

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        Nuit nomade à la belle étoile

 

        Alors que nous commençons à nous inquiéter (l'avons-nous dépassé sans le voir ?) nous arrivons à une bifurcation : 7 km d'une route parfaitement asphaltée nous conduisent du côté du Tso Kar ... mais où est le lac ??? Dans cette plane cuvette encerclée d'un cirque montagneux, c'est à peine si l'on distingue, au loin, un miroitement qui pourrait être de l'eau. Mais loin, loin ... Le lac salé est presque à sec semble-t-il. Nous boudons fermement le campement deluxe (2200 roupies -40 euros- la nuit sous une tente ça tente quelqu'un ?) ainsi que des locaux (d'où sortent-ils ???) cherchant à tirer profit des gens de passage, faisant payer un droit du sol à qui veut planter sa tente. Quand on sait que ce sont des territoires de transhumance nomade ... Ils en ont peut-être besoin, mais qui sait où va l'argent ? Nous battons en retraite jusqu'à des ruines que nous avions repérées plus tôt. Ce sont en fait les fondements des campements nomades saisonniers. Ils s'étendent à flanc de coteau. Des murets de 50 cm de haut de pierres plates entourant des surfaces légèrement en creu par rapport au niveau du sol à l'extérieur. Nous avons tôt fait d'identifier deux types de lieux : d'un côté des enclos plus vastes (20 m2) recouverts d'une épaisse couche de crottes (de biquettes et de moutons), de quelques cornes arrachées et de touffes de poils sont destinés au bétail, de l'autre de proprets petits coins organisés autour d'un foyer et avec des niches de rangement sont fait pour abriter les familles des nomades, vraisemblablement sous une toile ou une bâche soutenue par un pilier central. C'est un de ces petits coins que nous choisissons pour passer la nuit à l'abri du vent, mais à la belle étoile.


Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (80)

 

       Nous sommes tout de même à plus de 4600 mètres d'altitude, mais l'air est si doux que nous jugeons superflu de sortir la tente. Nous nous installons là dedans comme dans une cabane d'enfant, quand on joue à “faire comme si là c'était la chambre, là la cuisine, là les placards ...”, partons en corvée de bois -rare- et de crottes – il y a un tas juste à côté- (pour le feu) et contemplons le spectacle du ciel dans le couchant.

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar (88)

 

        Les crottes font fumer le feu, et cette fumée qui, où que l'on soit nous poursuit, nous pique les yeux, mais la soirée, autour de nos maigres provisions (soupe minute et nouilles chinoises, sans parler du faux whisky) est joyeuse. Dur de trouver le sommeil cependant : le mal d'altitude ? En tout cas, la pluie et le froid que nous craignions un peu ne viennent pas : une telle douceur à une telle hauteur est à peine croyable, nous ne passons pas sous la barre des 20° !

 

Inde moto J13 Sarchu-TsoKar


 

Inde moto J14 TsoKar-Leh (2)

        Journée 14 - Lundi 26 juillet

(duTso Kar à Leh)

 

          Le 4ème col :

         Le Tanglang La

 

       Seul un col et une grosse centaine de kilomètres nous séparent encore de Leh. Aujourd'hui, on y sera ! Tirés du lit par les premières lueurs du jour, les ventres remplis de parantha sous une tente-parachute trouvée en bord de route, il n'est pas 7h que nous sommes déjà sur la piste qui monte au prochain et dernier col. Très mauvaise d'ailleurs, un mauvais chemin de terre, de boue et de caillasses qui n'en finit pas. Elle est en travaux. Partout des travailleurs du roc et de la poussière (“pour des lendemains meilleurs”), protégés par des fichus, qui se déversent sur cette route, ou se réchauffent d'un thé dans les fossés. Car le vent s'est levé et nous glace jusqu'aux os. Nous nous couvrons de toutes nos épaisseurs. Le ciel est plus bas que jamais, gris sombre, uniforme, et l'altitude commence à nous prendre le crâne. Les camions peinent dans l'ascension, nous bloquant le passage, nous crachant leur fumée noire à la figure. L'eau qui rigole déjà de si bonne heure inondera certainement la piste un peu plus tard.


 

              

Inde moto J14 TsoKar-Leh (13)

Et puis nous parvenons au col. Derrière nous un paysage bouché par le gris du ciel, devant nous, au Nord, Le Ladakh à nos pieds : une mer de sommets à perte de vue ... la vue se perd là aussi dans les nuages. Juste après le col, un camion citerne renversé dans le fossé. C'est arrivé la nuit dernière. Le diesel s'échappe goutte à goutte par les ouvertures. Des hommes s'arrêtent et vont remplir leur bouteille à la source d'or noir ... Nous y serions allés aussi, car nos compères pourraient bien se retrouver à sec avant que nous ayions atteint Leh, mais nos motos ne sucent que le pétrole ...


 

Inde moto 1 Manali-Leh24Vue du Tanglangla ( t'as glagla ?), 5260 mètres. Et de quatre !


Inde moto 1 Manali-Leh24

     

Inde moto J14 TsoKar-Leh (14)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qui veut un peu de diesel ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


      Plongée vers la vallée de l'Indus

 

       Longue longue redescente ... la route est médiocre, toujours les travaux. Pause-thé dès que nous retrouvons un environnement clément : soleil, prairies, ruisseau ... Nous nous croyions au bout de nos émerveillements quand nous nous retrouvons de nouveau face à des paysages insoupçonnés, strates verticales de roches rouges surgies d'on ne sait quelle ère, rangées de dents aigues prêtes à mordre le ciel, étendues de gravier bordeau ... le monde géologique a plus d'un tour dans son sac ! Et avec ça les verts électriques des cultures de riz, des arbres fruitiers et des peupliers, le jaune des champs (de colza ? de moutarde ?) ... On en a trop vu, nos yeux n'impriment plus les images qui défilent et s'enchaînent dans un éternel recommencement de nouveautés ...

 

Inde moto 1 Manali-Leh25

 

Inde moto 1 Manali-Leh26

 

        Et voilà que, à l'issue de ce défilé de mode géologique, nous débouchons sur la vallée de l'Indus. L'Indus, fleuve né parmi les neiges éternelles des hauts plateaux du Tibet, finira sa course dans les mers chaudes au Sud du Pakistan. Entre temps il se fait un plaisir d'alimenter les terres arides du Cachemire indien et pakistanais. Car le Ladakh, tout bouddhiste qu'il soit, d'un point de vue technique, appartient à l'Etat indien du Jammu (hindou) et Cachemire (musulman). L'Indus crée comme une oasis tout en longueur sur son passage dans le lit de la vallée. A Upshi, première ville depuis fort fort longtemps, nous faisons une pause déjeuner ... médiocre. Nous continuons de descendre le cours de l'Indus ... de cantonnements militaires en cantonnements militaires. La route est stratégique, nous sommes si près de la frontière tibétaine et des propensions impérialistes chinoises. Car en Inde il est bien entendu que le Tibet n'appartient pas à la Chine, que c'est un abus de pouvoir, et on se méfie des voisins chinois comme de la peste, desfois qu'ils viennent à grapiller dans la foulée quelques bouts d'Inde. La région est donc surmilitarisée. Mais c'est amusant de voir comment chaque bout de caserne a son style, son temple, sa déco, ses couleurs, ses jardinets aménagés .... c'est très baroque, tout sauf militaire.


Inde moto J14 TsoKar-Leh (35)


      

Inde moto J14 TsoKar-Leh (36)

        Première station service depuis Tandi (avant Keylong) : les gars sont contents, il ne leur restait plus qu'un litre d'essence ! Encore 30 ou 40 bornes. Il n'est que 13h mais on a le cul en vrac, la fatigue qui pèse sur les paupières, on n'en peut plus. On traverse les environs de Leh, riches en gracieux monastères, en stupas austères et en villages typiques, presque sans les voir, comme avec des oeillères. On a des envies de se retrouver dans une pièce noire, ne plus rien voir, se reposer les méninges ...

 

 

 

 

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