En route pour la frontière de Sero
Une après-midi à Kandovan
A quelques dizaines de kilomètres de Tabriz, perchées contre les hauteurs de la chaîne du Haram Dagh (qui culmine tout de même à 3707 mètres), se nichent les habitations troglodytique du vieux village de Kandovan ... aujourd'hui voué au tourisme ... mais, hors saison, nous y sommes les seuls tourismes. Un vent glacé balaye les feuilles et la poussière des ruelles, le soleil joue derrière les nuages ....
Une soirée les pieds dans le sel !
Nous reprenons la route de l'Ouest, poursuivant le soleil dans sa course au dessus d'immenses étendues parfaitement planes, des marécages à perte de vue à plus de 1500 mètres d'altitude ... d'où surgissent tout d'un coup, émergeant de la brume, de petits monts fantomatiques ...
Derrière ces monts nous découvrons le lac d'Orumiyeh, s'étalant tout le long de la courbe de l'horizon. C'est au bord de ce lac que nous voulons passer la nuit. Remettant au lendemain la traversée du lac par son milieu (35 km de digues et de pont), nous nous engageons sur un petit routin menant à un hameau. Au delà la de ce hameau perdu au milieu de rien, plus rien, perdu au milieu des landes et le sol craquelé qu'ont laissé les eaux du lac lorsque le niveau a baissé ... Au bord de la "plage" les aménagements bien iraniens de camping au grand air pour les jours d'été ... Rien, personne ...
L'immensité poussant à l'exploration, nous voilà marchant vers les eaux du lac, si loin, si loin ... on croirait les marais du Mont-Saint-Michel à marée basse ... on n'en voit plus la fin ...
Mais le lac d'Orumiyeh (140 km sur 55 !) est un lac un peu spécial, un lac salé, et la plage découverte brille d'un blanc humide, étincellant, quand elle n'iradie pas d'un rose saumon un peu suspect ...
... Nous marchons les pieds sur une épaisse croûte de sel, nos orteils s'enfoncent dans une bouillie salée ...
De loin nous avions cru aux tentes d'un campement nomade ... mais ce ne sont que des plaques de sel poussées par la pression de leur propre matière à s'élever les unes contre les autres ... bel échantillon illustrant la techtonique des plaques non ?
Le soir tombe et nous vivons ce jour-là la nuit la plus silencieuse du voyage ... Pas un murmure ... même le vent est retombé. Les vagues sont trop loin, la terre trop déserte. Pas un souffle, pas un pas, pas un ronronnement, par un crissement d'insecte. Rien. Le silence, on en perd l'habitude ... un peu angoissant, mais une fois adopté, si reposant ....
Le lendemain matin, un vent de liberté souffle dans mes cheveux : la frontière n'est vraiment plus bien loin !
Après Orumiyeh, la frontière ....
Ce matin-là, cap sur la frontière de Sero, au-delà du lac, que nous traversons de bon matin. Comme une mer. Les flots d'un bleu profond, le sel amassé sur les berges.
De l'autre côté c'est de nouveau la campagne maraîchère. Nous traversons maintenant la province d'Azerbaijan occidentale. Nous faisons étape dans la ville d'Orumiyeh pour nous ravitailler en pain et fromage ( l'occasion d'éprouver une fois de plus la chaleureuse hospitalité iranienne : le boulanger n'a pas pu nous laisser partir sans nous offrir un pain en plus en cadeau), ainsi qu'en essence : nous comptons passer la frontière turque avec 36 litres en bidons (l'or noir étant 8 fois plus cher chez le voisin) ... la première station complète le plein du réservoir mais accepte difficilement de nous remplir un fond de bidon : elle n'a pas le droit et sa station est placée sous surveillance vidéo. Dans la station suivante, aucun problème, on finit le remplissage. On sait que l'on risque de se faire chopper aux douanes turques, mais, pour une cinquantaine d'euros le jeu en vaut la chandelle ! On replace innocemment le jerrycane dans son coin habituel derrière le siège de Clément, les deux autres bouteilles un peu dissimulées à l'arrière entre la malle et nos réserves d'eau. On verra bien ....
Nous dégustons en route notre dernier petit déjeuner iranien en Iran ( pain chaud, fromage, miel, noix et yaourt ) et faisons provision de melons jaunes et de pastèques. Et puis voilà une nouvelle ascension qui commence : il y a donc des montagnes partout !!! Clément commence à croire que tous les reliefs du monde se sont ligués contre lui !
Et puis, par-delà un de ces petits cols dont on rafolle, au-delà des toits du village de Sero, le poste frontière qui pointe le bout de son nez à l'horizon ... adieu nostalgique à l'Iran au coeur d'un paysage qui laisse les deux pays se fondre l'un dans l'autre .... Deux contrées si proches, soeurs, aux peuples communs, aux larges tranches d'histoire commune, l'un buté et ancré dans ses traditions passéistes et un fanatisme décalé, l'autre plongeant à pieds joints dans la modernité d'un continent européen dont il est la continuité ...
Nous, nous quittons en même temps que l'Iran les terres azéries pour mettre les pieds en plein kurdistan turc ! Nous sommes mercredi 6 octobre 2010, il est 10h20