Le Pakistan est derrière nous !
Silk Road Hotel, Yazd, Iran, le mercredi 29 septembre 2010
[Un grand merci à Alexis qui a accepté de publier ces quelques lignes à notre place. Iran oblige nous n'avons pas accès au site administrateur du blog. Nous avons en revanche accès au blog lui-même et à nos boîtes mails ... pour le moment du moins !]
Le Pakistan en 10 jours
Nous voici donc en Iran depuis deux jours déjà, laissant derrière nous une traversée somme toute éclair d'un Pakistan aux paysages aussi époustouflants que ceux qui nous avaient émerveillés à l'aller. En traversant la province du Sindh nous y avons aperçu les conséquences des fameuses inondations : de vastes campements de toiles humanitaires dans la poussière et sous un soleil de plomb. Car nous y avons vu bien plus de soleil que de pluie, le ciel n'ayant pas arrosé notre passage d'une seule micro-goutte d'eau. La campagne, si ce n'est les marécages où l'eau stagne, nous est apparue sèche, archisèche. Des moustiques, il y en avait un peu, mais bien moins qu'en Inde. Enfin, il y avait bien de l'eau quelque part vu que celle-ci nous a obligé à rebrousser chemin et à descendre en voiture jusqu'à Karachi (l'extrème-Sud, le bord de mer), et de là, après 4 jours pour obtenir un permis grâce à notre bon-génie Mehboob (sans lui, où serions nous aujourd'hui ???), nous avons pu traverser du Sud au Nord l'Est du Baloutchistan (700 km) pour rallier Quetta ... en une journée ... soit 19 heures sur la route ... vous en réentendrez parler, ne vous inquiétez pas !!! Là, bien sûr, plus une trace d'eau, des étendues arides et désertiques à perte de vue, l'austérité d'une terre couleur terre sous l'immensité du ciel. De Quetta nous avons pu gagner la frontière en deux jours, fascinés par la beauté du désert baloutch, littéralement épuisés par toutes ces heures de route au rythme et au gré des escortes (une cinquantaine en 3 jours, du soldat désarmé au dernier 4x4 Toyota Hilux en passant par le tas de feraille n'ayant que la 1ère vitesse et par la mobylette 70 cm3 made in China), encore tout affaiblis par la dysentrie qui nous a laissés sortir d'Inde avec la peau sur les os.
Bienvenus en Iran !
Lundi 27 septembre, 9h38 heure locale, nous quittons le territoire pakistanais. Le même jour, 10h30 heure locale iranienne (mais 12h heure pakistanaise) nous sommes relâchés du poste frontière iranien. Enfin relâchés ... façon de parler. Nous passons d'escortes policières en escortes policières à travers toute la province du Sistan Baloutchistan. Ceux-ci gardant en otage nos passeports (et ayant de plus d'assez bons véhicules) pas question de leur fausser compagnie ! A l'approche de Bam, quelques 500 km plus loin, et face à la boule rouge du soleil couchant sur le désert, nous volons enfin de nos propres ailes ... Il est 18h ; nous décidons de poursuivre notre course folle jusqu'à Kerman (encore 300 bornes) où nous connaissons un endroit sympatique où passer la nuit.
24 heures dans la vie de Grenouille !
Férus de mécanique, votre heure est venue ! Pour les autres, passez votre chemin en compatissant ...
Depuis quelques temps, la voiture roule mais ne fonctionne pas fluidement. En sous régime, elle toussotte mais, depuis l'Inde, ça ne pose pas de problèmes.
A 25 kilomètres de Kerman, notre destination du jour, la voiture montre des signes de fatigue très inquiétants ! Quand j'ai besoin d'accélérer plus que la normale, Grenouille ne veut plus rien savoir et elle se met à brouter comme une putain de vache affamée !!! Sur le plat elle avance encore, mais en côte, je suis obligé de rétrograder, 4, 3, 2, 1 et en haut d'une côte de plusieurs kilomètres, elle s'arrête, épuisée. Gilets fluos, Léonore place le triangle de pré-signalisation 50 mètres avant la voiture car nous sommes maintenant en Iran et il y a des règles de sécurité qui sont respectées par tous !!!
Personnellement, je suis totalement désespéré ; la fatigue, les heures de conduites des jours précedents font que je broie du noir. On ouvre le capot, on enlève le filtre à air qui est toujours aussi dégueulasse (mais bon, on n'en a pas d'autre) et, une fois le carburateur à nu, je mets le moteur en marche pour voir ce qui se passe dans les intestins de Grenouille. Déjà, elle démarre mais quand j'accélère, elle pète dans tous les sens et des flammes sortent du carburateur. Dans la nuit noire du désert, c'est d'une rare violence à mes yeux qui chérissent tant cette petite voiture !!!!! Là c'est hors de mes compétences donc on se pose dix minutes en essayant d'analyser, de retourner le problème dans tous les sens pour essayer de comprendre d'où ça vient mais en vain ! Allez, de toutes façons, nous ne pouvons pas rester au bord de cette route où les camions nous rasent de près à 110 km/h ( Eh oui, c'est l'Iran et camions et bus n'ont pas de limitateur donc peuvent aller, pour les bus, jusqu'a 160km/h !!! ).
On reprend la route tout doucement en première et Grenouille passe la côte. Dans la descente, avec le frein moteur, on se croirait le 14 juillet avec les feux d'artifice du Trocadéro sous la voiture !!! Et bien, c'est tout sauf joli et rassurant !
On décompte les kilomètres qui nous séparent de Kerman (à peine 5) mais ça ne va plus du tout ! Sur e terre-plein central (de 600 mètre de large) une voiture de police aux girophares clignotant. On s'arrête dans l'espoir que la police puisse nous appeler un mécano. Dans la voiture, personne ! Elle est là, seule avec le moteur en marche ! Plus loin une grille, une guérite, de la lumière. On s'approche, on s'annonce avec un “Salam”. 3 types en uniformes s'intéressent à notre cas : un policier et deux militaires. Tous font leur service obligatoire. Sur les trois, deux parlent anglais dont un parfaitement. Nous sommes trop contents car nous allons pouvoir expliquer notre problème autrement qu'avec les mains et les pieds car en Iran c'est super rare de trouver quelqu'un qui parle Anglais. Il est 22 heures et nous sommes complètement défoncés par la fatigue de cette folle journée. On n'a rien avalé depuis les sandwichs du déjeuner alors on se prépare en vitesse une soupe-minute (c'est pas avec ça qu'on va reprendre des forces ... ) Nos nouveaux amis veulent démonter le carburateur. Je n'oppose aucune résistance même si je sais bien que ça ne changera rien ! Une fois vaguement nettoyé et remonté le problème est toujours là. Ils veulent faire venir un mecano mais on demande à rester là pour dormir et on verra demain pour le mécano. Nous montons nous coucher dans la tente de toit, toujours au milieu de ce terre-plein central autoroutier, au pied de ce qui s'est révélé être un (gigantesque, on s'en rendra compte au matin) sillo à blé gouvernemental que les 2 plantons sont chargés de garder.
Mardi 28 septembre 2010. Ce matin, le mécano ne peut pas venir “car il n'a pas assez d'essence dans sa voiture” ! Reza (le militaire qui parle un peu anglais) nous accompagne donc en ville pour aller dans une concession SAIPA (qui a racheté toutes les vieilles licences Renault Super 5 etc ...). On arrive tant bien que mal au garage serrés à trois sur les deux petits sièges à l'avant (l'arrière commence à ressembler au traîneau du Père Noël) mais ils ne veulent pas s'occuper de Grenouille car ici ils ne s'occupent que des véhicules à injection et pas de ceux à carburateur ! Gentiment, le gars de la concession nous oriente vers un bon garage qui pourra résoudre notre problème.
Là, le garagiste démonte complètement le carburateur et le nettoie de fond en comble ! Pendant ce temps, Reza et moi prenons un taxi pour nous rendre à l'autre bout de la ville pour faire faire de nouveaux joints (de carburateur) sur mesure car les miens sont morts. De retour, avec nos trois joints neufs le carburateur est tellement propre qu'on pourait croire qu'il est neuf ! Maintenant le mécano s'attaque à l'allumage et quand il ouvre la tête de Delco (http://fr.wikipedia.org/wiki/Delco), on constate tout de suite que les platines (des petits bouts de métal qui se touchent pour faire passer l'electricité au bout moment -quand le piston est en haut) sont complètement brûlées. Par chance, j'en avais pris des neuves (merci Jean-Paul ! ). Notre mécano remonte le tout, à l'essai c'est un succès, et le tour est joué pour une quinzaine d'euros.
On n'est pas peu contents ! On reconduit Reza à sa guérite et, après une bon déjeuner dans le restaurant de l'hôtel dans la cour duquel nous avions campé à l'aller (Akhavan Hotel), nous reprenons la route avec une Grenouille toute neuve.
118km plus loin en direction de Yazd, à 110 km/h la voiture commence à remontrer des signes de faiblesse. Là je deviens muet, je tire une gueule de 500 pieds de long et j'ai le moral dans les chaussettes et Dieu sait que mes chaussettes sont grandes ! Léonore essaye tant bien que mal d'égayer l'atmosphère . En vain, je suis trop déprimé. Là c'est trop, j'en ai presque les larmes aux yeux. (Léonore : “Je sais pas si la voiture va mal, mais Clément, c'est sûr, est au plus mal. Il se dit que la voiture va nous lâcher en Iran, qu'on ne la ramènera pas. Killen avait peut-être raison quand elle disait que Titine ne passerait pas la Turquie ... elle devait en fait parler du retour)
Nous sommes au niveau Rafsanjan et plutôt que de continuer et de tomber en panne une fois de plus au beau milieu du désert, je décide de m'arrêter dans ce bled pour y trouver un mécano. Le premier garage où nous nous arrêtons essaye de comprendre le problème. Un mécano prend sa mobilette et nous enmène vers un autre garage qui lui non plus ne peut rien faire pour nous. Notre mobylette repart et le troisième garagiste prend notre problème en main. Personne ne parle anglais. On essaye de se faire comprendre mais c”est difficile. Léonore a la bonne idée de faire appeller Réza pour qu'il explique les aventures du matin en persan. Car il y a un réel problème ! Les platines neuves que nous avons mis le matin même sont déjà brulées après 110 kilomètres !!!!! C'est vrai qu'on a roulé vite, mais quand même !
Du coup on installe pour la deuxième fois de la journée un jeu de platines neuf. Une fois que les mécanos ont bien compris le problème on regarde du côté de la bobine. A leurs yeux le problème ne peut venir que de là. Ils essayent de trouver une bobine neuve qui pourrait correspondre aux besoins de Grenouille mais en vain. Le mécano décide donc de nous emmener dans un autre magasin pour essayer de résoudre l'affaire. Ce magasin, c'est celui de son père qui est un expert en électronique et encore plus en bobines et platines (au vu des énormes bocaux qui en sont remplis dans son atelier).
Pour lui, le problème vient de notre bobine qui délivre un ampérage trop fort ce qui fait chauffer et brûler les platines à grande vitesse. Rappelons que la bobine d'allumage que nous avons alors vient d'Inde où on nous avait changer la bobine Renault qui avait des fuites d'huile (mais l'expert, en testant la bobine Renault, a affirmé qu'elle était bien meilleure que toutes les bobines neuves qu'il avait à nous proposer). Quand il voit que nous n'avons pas de “resistor” (la résistance ? ) sur la bobine made in India il est sur le cul. IL m'explique que le “resistor” réduit l'ampérage et permet aux platine de rester froides. Il me fait la démo avec et sans est c'est vrai que sans l'étincelle est rouge et avec l'étincelle est bleu donc froide. Il nous installe donc une résistance sur la bobine d'allumage made in India.
Mais ils ne veulent pas que nous repartions avec notre filtre à air pourri et essayent de nous trouver le même mais impossible. Ils prennent deux filtres à air moins épais (comme on peut en trouver) mais de même circonférence, en découpent un en deux qu'ils collent sur l'autre pour obtenir la hauteur exacte désirée. 20 centimes pièce.
18h00, on repart de Rafsanjan. J'ai eu du mal à payer les gars pour le travail qu ils avaient fait. Finalement ils ont bien voulu que je paie les pieces mais pas la main d'oeuvre !!! Total des opérations : 4 euros !!! Prenons en de la graine ...
La voiture ronronne et nous voilà repartis. Heureusement que nous avons un nouveau filtre à air car à la sortie de la ville c'est la tempête de sable ... Ca fait bizarre mais nous avons filé à travers sans problème. Je ne suis toujours pas tranquille bien que Grenouille ronronne comme il faut. J'attends de voir avec le temps.
Maintenant il fait nuit et sur les bords d'un rond point plein de petits stands qui vendent des tas de trucs qui ont l'air bon. On ralentit pour voir ce que c'est et on finit par s'arrêter en découvrant que les trucs qui ont l'air bon sont en fait des monticules de pistaches ! C'était donc cela les vastes étendues d'arbustes de part et d'autre de la route depuis Kerman : des hectares et des hectares de vergers de pistachiers ! On s'en achète un kilogramme pour le moral. Celles que nous prenons sont comme celles que nous achetons chez nous mais très grosses et sans sel. Avant d'être à se stade là, elles sont dans une peau épaisse rouge et qui pendent comme des prunes à de petits arbustes. J'étais trop content de voir à quoi ça ressemblait avant de terminer sous vide dans nos mini sachets à apéro.
22h00 nous arrivons enfin à Yazd après avoir passé à l'approche de la ville un checkpost où les policiers nous ont arrêtés juste par curiosité. Passeport, ouverture du coffre puis un grand sourire et un grand merci pour le divertissement fourni.
Yazd, étape dans un rêve des mille et une nuits
Nous retrouvons à Yazd le petit hôtel qui nous avait tant charmé à l'aller ... toujours aussi charmant avec un accueil vraiment digne de ce nom, une atmosphère de calme, de paix et de repos. Plus de chambre mais un “dortoir” de deux lits (bon ok, matelas au sol ...) donc que pour nous pas sous les toits mais bien sur le toit ... un toit de boue et de paille comme tous les toits et les murs de cette ancienne cité du désert, d'où s'ouvre une vue panoramique sur les toits voisins, plats, si près les uns des autres que l'on pourrait faire le tour du quartier en sautant de toit en toit par-dessus les étroites ruelles, sur la vieille mosquée voisine ornée de mosaïques turquoises, sur un océan de ces “tours du vent” qui rafraîchissent les intérieurs des habitations ... savoir des anciens pour la beauté du présent.
Vu du toit de l'hôtel sur la vieille ville de Yazd et ses "tours du vent" ...
Le Silk Road Hotel (www.silkroadhotel.ir), entre tous notre hôtel préféré en Iran, et surtout notre hôtel préféré de tout le voyage, haut la main ! Un vieux bâtiment en terre et paille imbriqué dans l'architecture du quartier qui ne forme qu'un seul et même espace fait d'un dédal de galeries se frayant un chemin entre des habitations dissimulées derrière de hauts murs. Des chambres organisées autour d'un grand patio au milieu duquel poussent un frais fouilli de verdure : figuier, bougainvillier, hibiscus et autres fleurs qui surgissent entre de grandes amphores peintes en bleues autour d'un petit bassin ...
Le patio du Silk Road Hotel
C'est déjà un peu un paradis (et un paradis à très petits prix !) ... Mais le comble du bonheur c'est le buffet à volonté du petit-déjeuner : jarres en terre de yaourt maison, plétores de tranches de tomates, de rondelles de concombre, de féta, d'olives grecques, de morceaux de pastèques et de melons jaunes ... Bref, on a trouvé notre remède ! On ne sait pas si on va pouvoir repartir de là !!! Il le faudra bien : notre visa iranien n'est que de 15 jours et nous oblige à avoir quitté le pays avant le 11 septembre, le 11 octobre bien sûr (merci Alain !).
Voilà voilà les amis pour les nouvelles. Grosses bises, et à bientôt pour la suite.