Manali sous le soleil ... et sous la pluie

Publié le par Sur la route de soi

 

Mardi 6 juillet, Manali, Himachal Pradesh

altitude : 1929 mètres, kilométrage de la voiture : 178 820 km (au départ de France : 155 555 km)

 

      Voilà 4 jours que nous sommes arrivés à Manali.

 

       Un campement bucolique

 

Inde Himachal Pradesh Manali campement (4)

 

        Les 3 premiers nous avons campé sur ce petit carré d'herbe dont vous nous avions parlé plus tôt. Situé dans la vallée de la Beas, un peu en amont de Manali même, en contrebas du “Old Manali” et face au village de Vashisht sur la rive opposée, ce coin de patûrage certainement inondable parsemé de quelques arbustes est séparé du large torrent qui dévale des montagnes du Nord par un petit bois de mousse et de sapins. Le terrain lui-même, le long d'un chemin cahoteux, est enclos de lourds galets polis par les flots que nous avons dû déplacer pour nous y garer.

        Partout alentours des vergers : pommiers, poiriers, abricotiers, pêchers ... Les villageois viennent y faire paître leurs vaches ou faucher le trèfle qui pousse sous les arbres. Des femmes remplissent leurs hottes faites de branchages tressés (bambou, rotin ou autres) de jeunes pousses de fougères qu'elles viennent de cueillir et que l'on cuisine ici comme légume, en curry par exemple, et qui viennent agrémenter les thalis. Cela nous rappelle vraiment les usages des campagnes népalaises. Ils passent, nous saluent et parfois s'arrêtent “discuter” avec nous.


Inde Himachal Pradesh Manali campement (8)

Inde Himachal Pradesh Manali campement (2)

 

        

 

 

      Nous sommes bien contents de ce petit coin de verdure que nous avons trouvé bien à l'écart du bordel et des foules de la ville elle-même. L'aubaine ! Et ce malgré le volume de la sono tourné à fond des jeunes Indiens venus descendre leurs bouteilles de mauvais whisky ici, vendredi soir oblige ... Bien sympas soit dit en passant. Le groupe du deuxième soir était plus silencieux mais, les uns comme les autres, ils ont laissés tous les cadavres de la soirée, plastiques et bouteilles, éparpillés sur place, sans aucun complexe ...


       Au troisième jour, alors que nous étions, sous la tente verte, en train de prendre notre douche hebdomadaire, voilà que, “toc toc toc”, un type se ramène qui tient absolument à nous parler (c'était bien le moment ...). Il se présente comme le propriétaire du terrain et, après une petite discussion, il semble que notre présence sur son carré d'herbe ne le dérange en rien ... à condition que l'on remette en place des rochers que nous avions poussés pour y accéder. Sa bénédiction reçue, on soupire : ouf ! Alors qu'elle n'est pas notre surprise lorsqu'il se radine le soir accompagné de son épouse bien en chair (signe ici d'une opulence certaine) pour nous statuer que l'on peut rester, pas de problème, à condition de payer 500 roupies (presque 10 euros). Avec 500 Rps ici, on se paye une belle chambre d'hôtel. On tente de lui expliquer qu'avec cette somme on se nourrit pendant quelques jours, que c'est ce que certains Indiens peuvent gagner en 2 semaines, mais il n'écoute pas un mot de ce qu'on raconte ; seule compte l'équation “touriste blanc = plein aux as” et il compte bien en tirer son parti. On lui dit qu'on n'a pas l'argent, qu'on décampera le lendemain, tant pis ...

 

       Une moto pour le Ladakh

 

       La raison pour laquelle nous sommes montés à Manali ? Outre le fait que, par ces temps de canicule, on apprécie bien le climat des hautes montagnes (qui est une alternative bien agréable aux ambiances four et sauna des basses terres), nous y prospectons pour trouver une moto avec laquelle nous rendre au Ladakh (via des cols à 4000 et 5000 mètres) et de là peut-être poursuivre vers le Cachemire indien, avant de revenir du côté de l'Himachal Pradesh via Dharamsala (la résidence du gouvernement tibétain en exil, donc du Dalaï Lama), un périple de bien 1500 km que nous aimerions parcourir en 15-20 jours. La mauvais nouvelle du moment, avec laquelle nous devons composer, c'est la chute du cours de l'Euro (voilà bien la première fois que je me soucie de la bourse ...) : 1 euro ne valant plus que 56 roupies (contre 75 ou 80 en janvier dernier) notre pouvoir d'achat a drôlement baissé, et nous trouvons les tarifs de location ou de vente des motos (Royal Enfield 350 ou 500) un peu élevés à notre goût ... A cela s'ajoute un peu d'appréhension, qui va et vient, du côté de Clément au mien, rapport à l'état des routes qui nous attendent, au temps (quel froid fera-t-il là-haut), au mal d'altitude, au traffic (poids lourds ?), à mon vertige et à ma peur de la vitesse, et surtout à l'état de la moto que l'on choisira : tiendra-t-elle la route , viendra-t-on nous dépanner ? Il est par ailleurs question que nous faisions le chemin avec Fabien, notre copain allemand et sa copine : plus sûr, plus rassurant, plus pratique, mais forcément un peu moins libres ... Il va falloir choisir comment le mieux en profiter ...

 

       Les hauts et les bas de Manali


       Nous sillonnons donc les alentours à la recherche des boutiques de motos. Nous laissons la voiture à l'orée de l'agglomération, au bord d'un autre torrent, plus petit. Des câbles sont tendus d'une rive à l'autre, au-dessus du courant, une attraction locale consistant à y faire glisser un touriste (Indien) suspendu par son harnais jusqu'au milieu de la rivière ; alors le responsable de l'activité se charge d'agiter le câble de façon à ce que les pieds du touriste plongent et replongent dans l'eau, en rebondissant. On trouve des câbles tendus ainsi un peu partout, les Indiens semblent en rafoler, les clients les plus friands étant les papas ventripotants qui se font photographier par leurs épouses sous les regards envieux et inquiets des enfants. C'est vous dire un peu le goût des Indiens pour les sports extrèmes ou d'endurance !

        Nous poursuivons vers la ville. Nous foulons une asphalte fraîchement coulée et déjà plus plane. La pose se fait de manière si approximative, avec des outillages si archaïques, que le résultat est extrèmement peu durable ... La route, très étroite, serpente entre les hôtels et les boutiques. Nous marchons dans des nuages de fumée de pot d'achappement, un concert de klaxons, slalommant pour éviter les évhicules qui se croisent tant bien que mal, respirant en sus des effluves nauséabondes d'égoûts, de bennes à ordures (car il y en a !!!) et de charognes en décomposition. Tout le long du chemin, accroupis dans la poussière, des locaux tentent de gagner leur beurre en vendant des épis de maïs rôtis sur de minuscules feux de bois.

       Nous bifurquons pour nous éloigner de cet axe si désagréable à la marche et faisons un grand détour par les faubourgs, derrière les hôtels, où vivent gitans ou tibétains échoués là, parfois sous des tentes rafistollées, parfois sous de grandes bâches tendues sur des sols cimentées prévus à cet effet (y-a-t'il, ici aussi, un type pour exploiter la misère, ou est-ce le don de quelque âme charitable ?). Au milieu de ce qui nous apparaît comme un grand dénuement trône souvent un grand écran de télévision. A l'entrée d'une tente des voisines sont affairées autour d'une jeune femme qu'elles parent de ses plus beaux atours, probablement en vue d'une noce.

Au centre-ville la large artère piétonne est absolument bondée de badauds, comme à Shimla il y a quelques jours, en pire ! Il y a un office du tourisme où le gars qui nous renseigne connaît bien mal sa ville et nous envoie voir un peu dans toutes les directions. Nous revenons bredouilles d'une marche de 2 ou 3 km vers le Sud le long d'un caniveau charriant toutes les eaux usées des alentours.

        Nous allons ensuite voir du côté de Vashisht, tout aussi dédié au tourisme, où nous trouvons plusieurs enseignes de motos dans lesquelles nous tâtons et les engins et le terrain glissant des tarifs. C'est aussi à Vashisht, dans le resto où nous déjeunons, que nous faisons la connaissance d'un guide rajasthanais de Jaipur, venu pour la saison mener ses affaires touristiques loin des feux du désert, dans les hauteurs du pays. Lui qui n'avait jamais fait la moindre marche à pied de sa vie s'apprêtait à guider des groupes de randonneurs français (sûrement plus avertis que lui) pour des treks d'une dizaine de jours sur les sentiers les plus hauts du monde. Le type est super sympa, souriant et serviable, et cherchait dans notre “expérience” réconfort et conseils à l'aube de ce défi qui l'attendait de l'autre côté de la barrière himalayienne !


         Inde Himachal Pradesh Manali defoulement

        Nous explorons aussi le Old Manali : depuis le début du voyage nous n'avons jamais vu autant d'adresses aux standards et goûts occidentaux. Une fois passée la porte ou la grille du jardin on oublie complètement que nous sommes en Inde, même la carte ne propose que des gâteries de chez nous : bacon, fromage, salade verte, gateaux aux pommes, aux abricots ou au chocolat ... La déco est agréablement personnalisée, chaleureuse, et la différence avec les restos indiens, même les plus chics, saute immédiatement aux yeux. C'est vraiment étrange de se trouver là.


         Nous avons aussi nos petites émotions ;

sur la photo ci-contre Clément aide le cuistot à venir à bout d'un morceau de bois noueux qu'il veut fourrer dans son four à pizza ... en fait, il se défoule après que l'on ait oublié la pochette où se trouve tous nos documents et le fric dans la voiture et l'instant de flottement (bien trop long), où nous ne la retrouvions plus ....

 

 

 

 

        A temps breton, remède breton

 

        Les jours ont passé à écumer les rues de Manali à la recherche d'une moto, et le soleil s'en est allé. Depuis dimanche il pleut. D'abord tout doucement, le ciel égrainant chacune de ses gouttes paresseusement, faisant de courtes pauses, parfois. Et ensuite de manière continue, inlassablement. Le sol est maintenant gorgé d'eau et de nouvelles cascades sont apparues sur les montagnes alentours. Nous avons croisé hier soir un petit van immatriculé de Zurich dont les occupants, Tilln et Sara, nous ont refilé leur bon plan camping, dans le jardin d'un nouveau petit hôtel, le New Shiva Ashram, au milieu des sapins, des pommiers et des abricotiers, surplombant le torrent gonflé et grondant. Accueillis gratuitement par le très amical Mandik, du Penjab, nous campons donc sur la pelouse détrempée à côté de nos compagnons canado-italo-suisses.

         Le temps est donc aux grenouilles et aux escargots, et surtout à d'affreuses et énormes limaces qui bavent un peu partout dans les prés. On a enfilé depuis longtemps nos imperméables et je ne quitte plus mes bottes (que je me réjouis d'avoir emportées) que pour monter dans la tente de toit le soir.


         Ce temps breton a réveillé des envies de sucreries -éteintes depuis longtemps par la chaleur- et à grandes intempéries nous avons sorti le grand remède : la pâte à crêpes ! Dégustation d'autant plus appréciée que nous étions tous regroupés autour des chaleureuses flammes du camping gaz !


Inde Himachal Pradesh Manali crepes (2)

 

 

Inde Himachal Pradesh Manali crepes (3)SaraInde Himachal Pradesh Manali crepes(1)Tilln

       Tilln et Sara nous ont proposé de monter au Ladakh avec eux, dans leur van. Nous réfléchissons à la proposition. De toutes façons, vu le temps, impossible de se risquer sur les routes pour le moment. Plus haut, pas plus loin que le premier col (Rothang La) à 3900 m à moins de 50 km d'ici, les routes doivent être complètement embourbées, et peut-être même enneigées ... Nous attendons donc patiemment l'éclaircie qui séchera torchons, tentes, carosserie, litterie et piste !!!

Publié dans Inde-2

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A
<br /> <br /> c'est vraiment super. Bravo encore. Que d'émotions... Il faudra vraiment faire un livre de ce voyage. Très gros bisous à vous deux; A bientôt. faites quand même attention à vous... Annie L.<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> On voit que la bière et la bonne bouffe sont toujours au RDV et même au bout du monde.<br /> <br /> <br /> <br />
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