Ambiance tropicale
Petit point sur ce que le mot chaleur signifie ici : je laisse à Ryszard Kapuscinki le soin de vous éclairer.
"Khartoum, Aba, 1960
(...) Dans la chambre où m'a conduit le portier, ronronne un ventilateur fixé au plafond et dont les ailes brassent l'air brûlant plutôt qu'elles ne le rafraîchissent. "Quelle chaleur", pensé-je, et je décide d'aller en ville. Pure inconscience ! Car à quelques mètres à peine de l'hôtel, je me rends compte que je suis tombé dans un piège. Du ciel s'échappe une fournaise qui me cloue à l'asphalte. des bourdonnements me martèlent le crâne, je commence à perdre mon souffle. Incapable de poursuivre ma route, je ne me sens guère plus gaillard pour regagner ma chambre. J'ai l'impression que si je ne m'abrite pas à l'ombre immédiatement, le soleil m'achèvera. Pris de panique, je cherche fièvreusement autour de moi, mais je suis l'unique créature de tout le secteur, tout est engourdi autour de moi, barricadé, mort. Pas un homme nulle part, pas un animal.
Mon Dieu, que faire ?
Et le soleil qui continue de me cogner sur la tête de son marteau de forgeron dont je sens distinctement chaque coup. L'hôtel est trop loin, je n'aperçois pas le moindre bâtiment, la moindre ombre, le moindre toit, le moindre refuge, à part un manguier vers lequel je me traîne tant bien que mal.
Je finis par atteindre la souche de l'arbre et m'affale au sol. Dans ces moments-là, l'ombre devient une chose matérielle, le corps l'absorbe avec avidité comme des lèvres gercées avalant une gorgée d'eau. Elle soulage, étanche la soif.
L'après-midi, les ombres s'allongent, croissent, se superposent, puis, à la tombée de la nuit, elles s'assombrissent, noircissent. les gens s'animent, reprennent goût à la vie, se saluent, discutent, tout contents d'avoir résisté au cataclysme, d'avoir survécu à une autre journée d'enfer. La ville se remet en mouvement, sur la chaussée apparaissent des voitures, les magasins et les bars se remplissent. "
Ryszard Kapuscinski, Mes voyages avec Hérodote (Chapitre 12, Le concert d'Amstrong)
En Inde c'est pareil, sauf que le mouvement ne semble jamais s'arrêter, s'intensifie-t-il et se calme-t-il par moments, le mouvement est continu, continuel.
"Khartoum, Aba, 1960
(...) Dans la chambre où m'a conduit le portier, ronronne un ventilateur fixé au plafond et dont les ailes brassent l'air brûlant plutôt qu'elles ne le rafraîchissent. "Quelle chaleur", pensé-je, et je décide d'aller en ville. Pure inconscience ! Car à quelques mètres à peine de l'hôtel, je me rends compte que je suis tombé dans un piège. Du ciel s'échappe une fournaise qui me cloue à l'asphalte. des bourdonnements me martèlent le crâne, je commence à perdre mon souffle. Incapable de poursuivre ma route, je ne me sens guère plus gaillard pour regagner ma chambre. J'ai l'impression que si je ne m'abrite pas à l'ombre immédiatement, le soleil m'achèvera. Pris de panique, je cherche fièvreusement autour de moi, mais je suis l'unique créature de tout le secteur, tout est engourdi autour de moi, barricadé, mort. Pas un homme nulle part, pas un animal.
Mon Dieu, que faire ?
Et le soleil qui continue de me cogner sur la tête de son marteau de forgeron dont je sens distinctement chaque coup. L'hôtel est trop loin, je n'aperçois pas le moindre bâtiment, la moindre ombre, le moindre toit, le moindre refuge, à part un manguier vers lequel je me traîne tant bien que mal.
Je finis par atteindre la souche de l'arbre et m'affale au sol. Dans ces moments-là, l'ombre devient une chose matérielle, le corps l'absorbe avec avidité comme des lèvres gercées avalant une gorgée d'eau. Elle soulage, étanche la soif.
L'après-midi, les ombres s'allongent, croissent, se superposent, puis, à la tombée de la nuit, elles s'assombrissent, noircissent. les gens s'animent, reprennent goût à la vie, se saluent, discutent, tout contents d'avoir résisté au cataclysme, d'avoir survécu à une autre journée d'enfer. La ville se remet en mouvement, sur la chaussée apparaissent des voitures, les magasins et les bars se remplissent. "
Ryszard Kapuscinski, Mes voyages avec Hérodote (Chapitre 12, Le concert d'Amstrong)
En Inde c'est pareil, sauf que le mouvement ne semble jamais s'arrêter, s'intensifie-t-il et se calme-t-il par moments, le mouvement est continu, continuel.